Je me relève de la table très troublée. J’ai eu une image très surprenante. Déconcertante. Je n’arrive pas à y croire et pourtant c’est là. Je découvre l’abus dont j’ai été victime étant enfant. Je l’ignorais. Une bombe est tombée sur ma vie. Ma vie présente et ma vie passée. Il va me falloir plusieurs jours pour « atterrir ». Ce dont j’aimerais témoigner c’est du processus qui a suivi cette séance. J’ai tout d’abord erré dans les rues, en sidération, en interrogation. Puis s’est produit quelque chose de totalement inattendu. En effet, j’avais découvert la pire chose que l’on puisse m’apprendre : j’avais été abusée par l’homme que j’adorais depuis ma plus tendre enfance. L’homme qui m’avait nourrie au biberon, langée. La personne qui, dans mon cœur, était ma référente en termes d’Amour. Alors j’attendais un tsunami de détresse. Mais non. Bien au contraire. J’étais transportée. Une joie m’animait. C’était tellement inapproprié que j’ai même cru que je devenais folle. Puis, grâce à l’accompagnement de ma praticienne, j’ai compris que la partie de moi qui s’était arrêtée, cachée, immobilisée se remettait en mouvement. Ce changement qui s’opérait en moi me rendait profondément heureuse en même temps que l’information me désespérait. Il m’a fallu du temps, pour que ces deux sentiments contraires s’accordent. Vint ensuite une période de long dénouement. Comme la fin d’un polar qui révèle toutes les pièces du puzzle. J’ai compris mon rapport à la sexualité, à ma sexualité. Cette manière d’y être sans y être vraiment, cette sensation que quelque chose était sale. J’ai compris mon fonctionnement dans les relations amoureuses : une incapacité à me laisser aimer. Une façon d’éviter, de me « sauver ». L’incapacité à faire confiance. Un voile s’est levé éclairant toute mon expérience concernant ma vie intime mais aussi le sentiment de honte qui m’habitait depuis toujours. Ce sentiment entraînant une auto-dévalorisation permanente dans tous les secteurs de ma vie. Ces compréhensions m’ont libérée. Non pas instantanément mais doucement. Tout doucement. Le chemin est long. Les portes s’entrouvrent. Des nouveaux possibles apparaissent. Je les explore timidement. C’est comme une renaissance qui me demande beaucoup d’attention à moi-même, beaucoup d’amour pour moi-même.